"J'y pense et puis j'oublie" est le récit exceptionnel d'une malade atteinte d'une variante d'Alzheimer, le syndrome de Benson. Très touchant, son témoignage est éclairant et porteur d'espoir, tant pour les soignants que pour les malades et leur entourage. 

« Je suis presque aveugle. Je regarde les choses en face. » Bien qu’elle s’en défende, Annie-Claude Nakau est une poète.  Dans « J’y pense et puis j’oublie »*, elle a l’art de nicher sa pensée sur un paradoxe pour vous faire percer le mystère de ses ressentis. Si à 63 ans, elle a gardé son âme d’enfant, cette femme joyeuse n’en est pas moins malade. « Je me rapproche de l’éloignement», écrit-elle alors qu'elle souffre d’une maladie apparentée à l'Alzheimer.

"Je dois vivre avec ce mal qui me précède partout et me détache de vous. Je suis incapable de me soumettre à vos codes, mais qui en a conscience?"

Atteinte à 45 ans du syndrome de Benson, cette maladie rare ne sera diagnostiquée qu’au terme de quinze années d’errance médicale. « Les médecins pensaient que je n’avais rien. Ils me prenaient pour une affabulatrice », explique-t-elle aujourd’hui, encore marquée par ce long "parcours difficile" jusqu'au diagnostic, se heurtant à l'incompréhension et à la perplexité des soignants. « Je sentais bien que quelque chose n’allait pas. Je comprenais tellement peu de choses que j’ai fini par avoir peur", confie-t-elle, d'une voix légère, parfois hésitante, cherchant ses mots ou tentant de rattraper une idée qui lui échappe.

Le syndrome de Benson, une variante d'Alzheimer

Les premiers symptômes sont apparus alors qu’elle vivait au Japon, le pays natal de son mari. C’est en apprenant à déchiffrer les kanjis, ces idéogrammes d'origine chinoise, que de curieux troubles visuels sont un jour apparus. «Les kanjis devenaient blancs. C’était très curieux. Ils disparaissaient brusquement et je me retrouvais dans le vide. » Le syndrome de Benson, ou atrophie corticale supérieure, a cela de particulier qu’il atteint le système de la vision sans affecter, dans un premier temps, la mémoire ni le raisonnement. Une maladie neuro-évolutive, variante d'Alzheimer, qui obéit à des cycles où les troubles montent et descendent. A la façon des marées. « La marée remonte moins aujourd'hui. J'ai toujours ma capacité de raisonner. Mais j'ai des douleurs dans le cerveau. J'ai la sensation qu'elles se baladent dans ma tête. L’arrière de mon cerveau est touché, endommagé, donc c’est un peu sérieux… », décrit pudiquement Annie-Claude qui a aujourd’hui perdu la faculté de lire, de compter...

Auteur de l'article original: Marie Bernard, Annie-Claude Nakau
Source: Paris Match
Date de publication (dans la source mentionnée): Dimanche, 4. Juin 2017
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