Vingt ans après l'arrivée de la carte Vitale, des milliers de médecins refusent encore de l'utiliser. Parmi les raisons invoquées: la déresponsabilisation des patients, le refus d'investir dans l'informatique... Pour l'instant, l'Assurance maladie n'envisage pas de sanctionner ces réfractaires.

«Quand la carte Vitale est arrivée, a priori je n'avais rien contre», se souvient Thierry, 57 ans, gastro-entérologue à Paris. Le large iMac qui trône sur son bureau atteste au moins que le praticien n'est pas allergique à l'informatique. Mais il ne s'est jamais équipé du lecteur et du logiciel nécessaires pour se servir de la fameuse carte à puce verte. «Je n'ai pas à faire le travail de la Sécu», se justifie ce spécialiste qui ne pratique pas de dépassements d'honoraires et travaille sans secrétaire. «Il faut laisser le médecin ne faire que de la médecine, le reste ce n'est pas son problème», ajoute-t-il, considérant que «c'est au patient de se débrouiller pour se faire rembourser».

Comme lui, de nombreux médecins libéraux persistent à n'utiliser que des feuilles de soins papier: plus de 44.000 praticiens n'ont pas utilisé la moindre carte Vitale en mars, selon le groupement Sesam-Vitale, qui produit les cartes et gère le flux de feuilles de soins électroniques. Au cours du même mois, à peine 61% des spécialistes ont été «en télétransmission», ainsi que 85% des généralistes. Des taux stables depuis plus de cinq ans, sans que cela inquiète la Sécu.

Des médecins en fin de carrière ou qui n'«aiment pas être fliqués»
«Il y a une frange de professionnels de santé qui estiment être trop proches de leur fin d'activité pour se lancer dans l'informatisation ou la télétransmission», explique Pierre Peix, directeur délégué aux opérations de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), affirmant que «c'est un sujet essentiellement parisien». Les exemples ne manquent pourtant pas en dehors de la capitale. Comme Hélène, pédiatre dans les Bouches-du-Rhône, qui n'a «pas envie de (s)'embêter la vie» après 37 ans d'exercice. «Je fais mes papiers et c'est tout». Ou Daniel, 66 ans, généraliste dans la Manche, qui «(n)'aime pas être fliqué» et n'a jamais accepté une carte Vitale qui transforme «petit à petit les médecins (en) salariés des caisses d'assurance, publiques ou privées», tout en poussant les patients à «une surconsommation médicale du fait du non-paiement».

«Si mes patients me disaient que c'est très ennuyeux, je m'alignerais», assure de son côté Marie-Hélène, gynécologue en Côte-d'Or.  (...)

Auteur de l'article original: Le Figaro avec AFP
Source: Le Figaro.fr avec AFP
Date de publication (dans la source mentionnée): Samedi, 19. Mai 2018
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