Communication du Dr G Wettstein-Badour - Auteure du livre "Bien parler, bien lire, bien écrire" Editions Eyrolles
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Ayant pris connaissance du document de Franck RAMUS « Un point de vue scientifique sur l’enseignement de la lecture (version intégrale d’une lettre publiée par le Monde de l’éducation du 1er mars 2006) », je me réjouis de constater que les 18 chercheurs cosignataires de ce courrier placent le débat sur les méthodes de lecture au seul niveau auquel il doit se situer : celui de la connaissance scientifique.
Ces chercheurs s’appuient sur de très nombreuses études comparatives montrant la supériorité des méthodes permettant l’apprentissage précoce du lien qui unit chaque élément graphique de base (la lettre ou un petit groupe de lettres) au son qu’il représente (le phonème). Ils préconisent, à juste titre, de commencer cet apprentissage dès le début du CP.
Par contre, les auteurs écrivent : « du moment que le déchiffrage est enseigné systématiquement, il importe peu que l’approche soit plutôt analytique (du mot ou de la syllabe vers le phonème) ou synthétique (du phonème vers la syllabe) ». Cette affirmation est regrettable car elle risque de servir de caution à la très grande majorité des enseignants qui pratiquent la découverte du code alphabétique à partir des mots comme le recommandent les nouveaux programmes de 2002. Il leur suffira d’introduire quelques exercices de correspondance entre sons et graphismes sans rien changer à leur pratique et en utilisant leurs manuels habituels pour se conformer aux recommandations présentées dans ce texte. Or, ce que nous savons aujourd’hui du fonctionnement du cerveau permet de comprendre que cette démarche est une des principales causes d’échec dans l’apprentissage de la lecture.
D’autre part, dans un texte destiné à mettre en avant la nécessité du déchiffrage, il eût été utile de préciser que l’apprentissage du code alphabétique nécessite de prendre en compte à la fois la discrimination des sons, les contraintes imposées par la vision maculaire et les saccades oculaires, la reconnaissance des formes et de leur orientation dans l’espace ainsi que la maîtrise du graphisme. Bien évidemment -les signataires de ce courrier l’ont noté- il est indispensable d’adjoindre au déchiffrage un travail portant sur le vocabulaire, la syntaxe et le sens du texte.
Si le ministre a la volonté de prendre des mesures efficaces pour permettre à la très grande majorité des élèves d’apprendre à lire et écrire, il est indispensable que les circulaires d’application qui seront prochainement publiées demandent aux formateurs des enseignants de prendre en compte l’ensemble des acquis des neurosciences, faute de quoi aucun véritable changement ne sera possible.
G Wettstein-Badour