La France accuse un sérieux retard dans ce domaine, alors que la fragilité psychique touche actuellement - ou a touché - 12 millions de Français.

Atlantico : Vous avez mené entre 2015 et 2018 le programme d’études « Clefs d’Actions en Santé Mentale », portant sur la perception des Français sur ce sujet. Le premier constat a porté sur la stigmatisation des pathologies mentales. Comment s'exprime-t-elle ?
Annick Hennion : Le dispositif Clefs d’Actions en santé mentale a été conçu pour permettre dans un premier temps de mieux comprendre les représentations des Français en matière de santé mentale et ainsi identifier à partir de données concrètes et représentatives, les facteurs de stigmatisation.

Si l’on se réfère aux résultats de l’étude quantitative, à la question « quels sont les trois premiers mots ou images qui vous viennent à l’esprit à l’évocation de la ‘santé mentale’ ? » le couple de mots renvoie spontanément à la dégénérescence ou au déséquilibre versus bien-être. Pour les actifs, le mot ‘santé mentale’ s’associe également à la maladie d’Alzheimer, la dépression, la folie, la schizophrénie, le stress, le burn out. Le terme est donc encore très fortement connoté négativement ce qui pose problème quand on sait que la fragilité psychique touche actuellement ou a touché 12 millions de Français. Confrontés à cette même stigmatisation, de nombreux pays du monde ont adopté des chartes de la santé mentale avec de vrais programmes de santé publique et de sensibilisation des populations ayant contribué à une image plus positive de la santé mentale, rattachée à la notion de bien-être. La France, de ce point de vue, accuse un sérieux retard.

L'étude montre que  la grande majorité des personnes interrogées savent beaucoup  de choses sur la santé physique, mais connaissent mal les questions liées à  la santé mentale. Est-ce que cela signifie que l'on peut être touché  par ces pathologies sans le savoir ?
La notion de ‘santé globale’ telle que définie par l’OMS résume parfaitement l’importance de la santé mentale pour chacun et la nécessité de s’en soucier au même titre que la santé physique : « Il n’y a pas de santé sans santé mentale ». Alors que selon notre étude 2 Français sur 3 déclarent se soucier de leur santé physique, seulement 1 sur 2 se préoccupe de sa santé mentale. Ce résultat est révélateur de ce que nous avons nommé « l’impensé en santé mentale » qui indique que tant que nous n’avons pas à nous en plaindre, nous n’y pensons pas. Le Dr GEOFFROY, psychiatre, lors de « cap sur la santé mentale 2018 » déclarait « qu’il faut arrêter de parler de somatique et d’organique d’un côté et de psychiatrique de l’autre (...)

Auteur de l'article original: Annick Hennion
Source: Atlantico.fr
Date de publication (dans la source mentionnée): Samedi, 16. Juin 2018
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