En ces jours de rentrée scolaire, la question mérite d’être posée : le gouvernement souhaite-t-il vraiment promouvoir la mixité sociale, ou bien va-t-on en rester aux effets d’annonce ? Cela me permettra également de répondre à quelques questions posées par des internautes concernant ma chronique Le scandale APB.

Rappelons tout d’abord que le ministère de l’éducation avait annoncé en 2015 la mise en place de nouveaux dispositifs visant à réduire la ségrégation en vigueur dans les collèges. On avait même évoqué l’idée d’une ambitieuse expérimentation à Paris, avec des annonces précises à la rentrée 2016 et une mise en place à la rentrée 2017, suivie d’une possible généralisation dans le reste du pays. Malheureusement tout reste très flou à ce stade, et le ministère comme la Ville de Paris ne semblent guère pressés de passer de la rhétorique à la réalité.

C’est d’autant plus regrettable que le niveau de ségrégation sociale observée dans les collèges atteint des sommets inacceptables, notamment à Paris. Des travaux récents, comme ceux réalisés par Julien Grenet dans le cadre de la consultation en cours, ont souligné en particulier le rôle clé joué par les collèges privés, et le fait que de meilleures procédures d’affectations des élèves, plus justes et plus transparentes, pourraient permettre d’améliorer nettement la situation.

Résumons. Paris comptait en 2015 plus de 85 000 élèves inscrits dans 175 collèges publics et privés (soit un peu moins de 500 élèves par collège). La part du privé est devenue au fil des ans exceptionnellement forte : 60 collèges privés sous contrat (34 % des élèves) pour 115 collèges publics (66 % des élèves).

Sur ces 85 000 élèves, le pourcentage d’enfants socialement défavorisés (ici définis comme ceux dont les parents sont ouvriers, chômeurs ou inactifs) est de 16 %. Si les collèges pratiquaient la mixité sociale intégrale, on devrait donc trouver très exactement 16 % d’élèves défavorisés dans chacun des 175 collèges.

Autrement dit, on observe un niveau absolument extrême de ségrégation sociale. Dans les collèges socialement les plus huppés, il n’existe quasiment aucun élève défavorisé (moins de 1 %). A l’autre extrême, certains collèges comptent plus de 60 % d’élèves défavorisés. Il est à noter que l’on obtiendrait des résultats tout aussi extrêmes si l’on complétait l’analyse avec autres indicateurs permettant de définir les élèves défavorisés, comme le revenu parental ou la nationalité d’origine des parents.

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Auteur de l'article original: Thomas PIKETTY
Source: Le Monde
Date de publication (dans la source mentionnée): Lundi, 5. Septembre 2016
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