Une stratégie nutritionnelle innovante permet de lutter contre la dénutrition des personnes âgées, un fléau négligé. Elle fait une percée dans un nombre croissant d’établissements.

« En France, il y a aujourd'hui 2 millions de personnes qu’on laisse dépérir en détournant le regard. » Le professeur Éric Fontaine ne mâche pas ses mots. Président de la Société francophone de nutrition clinique et métabolique (SFNEP), il a lancé en octobre 2016 le Collectif contre la dénutrition avec un message clé : il est inacceptable que la dénutrition tue encore. « Malgré les progrès considérables de la médecine, le pourcentage de malades dénutris n’a pas baissé depuis les années 1960 », poursuit l’expert. « Mais cela reste le cadet des soucis des pouvoirs publics », renchérit Christian Aussel, biologiste à l’hôpital Rothschild, à Paris, selon qui il existe pourtant une nouvelle stratégie, simple, pour lutter contre la dénutrition. Avec le gériatre Olivier Bouillanne, il a publié en 2013 une étude sur le « régime pulsé » qui commence à faire école.

Cette stratégie consiste à proposer en un seul repas, en l’occurrence le déjeuner, 70 % à 80 % de l’apport protéique quotidien afin que l’organisme puisse en disposer en quantité suffisante. Réalisée sur 66 personnes d’un âge moyen de 85 ans - toutes dénutries et hospitalisées -, l’étude a comparé deux groupes recevant la même quantité de protéines (1,3 g) et d’énergie (33 kcal) par kilo de poids corporel. Le premier sous forme de régime « pulsé », l’autre standard (20 % des protéines le matin, 30 % à midi, 20 % au goûter et 30 % au dîner).

Un kilo de muscle gagné en six semaines

Après six semaines, les seniors du groupe « pulsé » ont pris en moyenne un kilo de masse maigre (muscle) quand ceux du groupe « standard » ont peiné à garder un poids stable. Ce qui est beaucoup quand on sait la difficulté que rencontrent les soignants à procurer aux patients les nutriments dont ils ont besoin. « Avec le vieillissement ou les maladies chroniques, le corps développe une résistance à la stimulation de la synthèse protéique : il lui en faut davantage pour alimenter correctement le muscle », explique Olivier Bouillanne. En outre, l’amaigrissement de la personne âgée se traduit par une perte de masse maigre plutôt que grasse avec une cascade de conséquences désastreuses (mobilité réduite, fractures, infections…).  (...)

Auteur de l'article original: Rédaction Science et Avenir
Source: Science et Avenir
Date de publication (dans la source mentionnée): Dimanche, 22. Janvier 2017
Photo: