Dans un livre stimulant, le chercheur Christopher Kaposy essaie d'évaluer d'un point de vue objectif la question de l'avortement sélectif des personnes trisomiques.

Christopher Kaposy est professeur associé de bioéthique à la faculté de médecine de Memorial University of NewFoundland au Canada. Il publie «Choosing Down Syndrome: Ethics and New Prenatal Testing technologies» chez MIT Press.

FIGAROVOX.- Dans votre livre, vous essayez de démontrer pourquoi «plus de personnes devraient donner naissance à des enfants trisomiques». Pourquoi pensez-vous que cela serait une bonne chose?

Christopher KAPOSY.- Dans mon livre «Choisir le syndrome de Down», j'ai cherché à mettre en avant les raisons qui pourraient motiver l'avortement de plus en plus généralisé des fœtus atteints du syndrome de Down. J'en conclus que la plupart des raisons avancées et discutées pour justifier cet avortement sélectif ne sont pas étayées par des faits. Nous disposons de nombreux témoignages et données en sciences sociales montrant que les personnes vivant avec le syndrome de Down ont des niveaux de bien-être comparables à ceux des personnes non handicapées. Leur QI et leur espérance de vie ont fait des progrès considérables. Les familles qui ont des enfants atteints du syndrome de Down sont stables et épanouies. Les inquiétudes concernant le bien-être de ces enfants ou de leurs familles ne sont donc pas fondées.

Plus généralement, je crois qu'il est positif pour notre société de reconnaître la nécessité d'assumer la responsabilité de ceux parmi nous qui sont les plus vulnérables. Les personnes atteintes d'un handicap cognitif sont vulnérables. Mais en cela, elles sont représentatives de nous tous à différentes étapes de notre vie. Nous sommes tous nés totalement dépendants des autres, de nos parents, de nos soignants. Beaucoup d'entre nous sortent de ce monde après une phase de dépendance. De bien d'autres façons, nous dépendons de nos relations avec les autres pour notre épanouissement. Si on admet cette réalité, on peut penser que donner naissance à un enfant qui sera vulnérable et dépendant n'est pas un choix dénué de sens. Si nous prenons collectivement la responsabilité de la dépendance en créant des institutions et des communautés qui s'en soucient, cela sera bénéfique à l'ensemble de la société.

Vous faites un lien entre notre système économique extrêmement concurrentiel et la dévalorisation des personnes atteintes de trisomie. Pouvez-vous l'expliciter?

Il y a deux sortes de motivations possibles pour choisir l'avortement sélectif. Si les futurs parents sont dans la pauvreté, et qu'il est trop risqué ou exigeant pour eux de donner naissance à un enfant handicapé, alors vous pouvez difficilement les blâmer de choisir l'IVG.  (...)

Auteur de l'article original: Eugénie Bastié
Source: Le Figaro
Date de publication (dans la source mentionnée): Samedi, 2. Juin 2018
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