Le professeur Marie Sarazin, cheffe du service de neurologie de la mémoire et du langage à l’hôpital parisien Sainte-Anne, assure que la recherche avance.
Vous ne la trouverez pas en bouse blanche. « Ça fait trop éloigné des patients », estime Marie Sarazin*. C’est pour eux que la neurologue a écrit la lettre qu’elle nous tend dans son bureau de l’hôpital parisien Sainte-Anne. Elle y fustige la fin du remboursement de quatre médicaments Alzheimer annoncée cet été. Une décision d’autant plus « dommage » que la recherche avance, enfin !

Pourquoi contestez-vous le déremboursement des médicaments ?

Pr MARIE SARAZIN. Parce qu’on lâche les patients. Du fait de leur maladie, ils ne peuvent militer pour la défense de leurs soins. Les autorités estiment l’efficacité des médicaments trop faible, mais ce n’est pas la réalité scientifique, ni de terrain. On voit l’effet chez les hommes et femmes que nous suivons. Grâce à eux, ils sont apaisés donc plus à l’aise, plus actifs, plus autonomes… Ils retardent aussi l’entrée en institution.

Alzheimer n’est donc pas une « construction sociale » comme l’affirment certains médecins ?

Cette idée qu’Alzheimer n’existerait pas trouve un écho inattendu. Cela a aussi peu de sens que de dire que la terre ne tourne pas autour du soleil. Evidemment, la maladie existe. Elle est visible, là, sur le cerveau, à l’imagerie. Elle est une réalité pour les patients et leur famille. Parce qu’elle fait peur, certains préfèrent la nier qu’accepter sa complexité. Cela n’aide ni les malades, ni la recherche qui évolue énormément.

Énormément ? Les essais thérapeutiques échouent depuis 25 ans…

Parce qu’ils sont tous partis sur la même piste de recherche. On s’est trompé, on a été déçus mais tout n’est pas à jeter. Il y a eu des avancées, des nouveaux outils ont été créés. Arrêtons avec le fatalisme ambiant, l’espoir est là. On va passer des caps.

C’est-à-dire ?

Des champs très prometteurs s’ouvrent. Nous allons commencer un essai clinique pour moduler l’inflammation à l’œuvre à l’intérieur du cerveau. Aujourd’hui, il ne s’agit pas de curatif. Il n’y a pas de pilule miracle. Mais demain, qui sait si un package de médicaments sur Tau (NDLR : une protéine qui s’accumule de manière anormale), sur l’inflammation, sur les neurotransmetteurs ne permettra pas de freiner, voire stopper la maladie ? La recherche est très active, cela peut aller vite.

Comme cela ne sera pas avant de longues années, la prévention est-elle utile ?

Absolument, elle permet au cerveau de se préserver.

* Marie Sarazin, auteure de « Comprendre, soigner, accompagner la maladie d’Alzheimer en 100 questions ». Chez Taillandier, 14.9€.

Auteur de l'article original: Florence Méréo
Source: Le Parisien
Date de publication (dans la source mentionnée): Vendredi, 21. Septembre 2018
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