Des spécialistes du sommeil ont analysé les mots et expressions qui reviennent le plus souvent lorsqu'on parle en dormant, révélant que ce sont des situations généralement conflictuelles qui font parler les dormeurs.

SOMNILOQUIE.  "Non !", "Putain !", "Merde !" Voilà quelques-uns des mots les plus fréquemment prononcés lorsqu'on parle pendant son sommeil. C'est ce qui ressort de l'une des seules analyses réalisées sur le fait de parler en dormant, publiée dans la revue spécialisée Sleep. Conduite par la Pr Isabelle Arnulf, cheffe du service des pathologies du sommeil à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière et chercheuse à l'Institut du cerveau et de la moelle épinière, l'étude montre en effet que c'est le plus souvent lors de rêves sous tension que la parole nocturne se libère. La somniloquie est assez fréquente puisque les auteurs de l'étude rappellent que 66,8 % des adultes rapportent avoir déjà parlé en dormant ; mais seulement 6,3% jugent parler au moins une fois par semaine. De fait, "étudier ce que disent les personnes qui parlent en dormant est assez compliqué car la parole nocturne est très aléatoire, que seules quelques parties se révèlent audibles, et que l'enregistrement est forcément contraignant", nous explique Isabelle Arnulf.

En l'occurrence, "sur une base de 10.000 personnes enregistrées par vidéo-somnographie, on a ressorti 232 patients pertinents pour l'objectif de l'étude", explique la chercheuse. En tout, 883 épisode vocaux dont seuls 361 contenaient des items lexicaux identifiables sous la forme de mots isolés ou de phrases, parfois longues... "Nous avons pu identifier 3349 mots différents", précise la Pr Arnulf (voir le tableau des items lexicaux les plus fréquents ci-dessous). Une chose est certaine : "L'immense majorité du temps, ce qui est en train d'être dit est conflictuel, ce sont de moments de tension. Et les mots prononcés traduisent vraisemblablement bien le contenu mental au moment du rêve."

"Oh, mais je vais lui casser la gueule"
La parole nocturne peut intervenir lors du sommeil lent — caractérisé par un endormissement de plus en plus profond et une activité cérébrale ralentie —  ou du sommeil paradoxal, durant lequel les rêves dont on peut se souvenir apparaissent et qui se caractérise, lui, par une activité cérébrale proche de celle de la veille avec des mouvements oculaires rapides. "On a pu observer que chez le sujet sain, la parole intervenait plutôt durant le sommeil lent, tandis que chez les personnes âgées ou atteintes de troubles neurologiques (Parkinson notamment) c'était plutôt pendant le sommeil paradoxal", explique Isabelle Arnulf. Quoi qu'il arrive, le verbe reste tendu... (...)

Auteur de l'article original: Hugo Jalinière
Source: Sciences et Avenir
Date de publication (dans la source mentionnée): Samedi, 20. Janvier 2018
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